Publié le 8 octobre dernier, le remake de Silent Hill a ravivé les discussions sur l’inclusion des remakes et remasters dans le palmarès des jeux de l’année. Alors que certains préfèrent les écarter en raison de leur nature revisitée, d’autres soutiennent qu’il n’y a aucune raison légitime de les traiter différemment. Ce qui est indéniable, c’est que cette nouvelle version de l’œuvre culte a suscité une multitude de débats sur les créatures présentes dans le jeu.
Silent Hill : l’incarnation de la peur
De nombreux passionnés de jeux vidéo ont souvent été tentés de confronter Silent Hill à Resident Evil. Ces deux géants de l’horreur ont évolué côte à côte, mais finalement, elles ne sont guère comparables. Silent Hill s’aventure dans des territoires psychologiques, matérialisant des peurs profondes, tandis que Resident Evil se plaît avec ses énigmes et le charme du film de série B. La différence la plus flagrante réside cependant dans leurs succès commerciaux, où Resident Evil surpasse largement Silent Hill. Faire un remake de Silent Hill 2 ressemblait alors à un sacré pari. En dépit de sa réputation exceptionnelle, Silent Hill 2 n’a jamais été une star des ventes.
Tandis que Resident Evil poursuivait son incroyable évolution avec son quatrième opus, Silent Hill perdait peu à peu de sa splendeur. Que le remake rencontre le succès prouve aux amateurs que la série a encore sa place aujourd’hui, et démontre que ces jeux peuvent toujours séduire dans le contexte vidéoludique actuel. Silent Hill 2, qu’il s’agisse de sa version remaniée ou de l’originale, traite de thématiques parfois très lourdes.
Traumatisme, colère, rejet, abus sexuel, culpabilité et meurtre jalonnent l’aventure et s’expriment à travers la progression du joueur, les environnements torturés et les créatures menaçantes. Depuis l’aube de sa création, les amateurs de la série se penchent sur les significations des représentations visuelles, notamment celles des boss. Si certaines idées sont couramment admises, les inspirations artistiques derrière le design sont souvent moins connues. À titre d’exemple, les créatures nommées Flesh Lip et Mandarin symbolisent les agressions verbales qu’a subies James de la part de Mary, des paroles qu’elle a pu prononcer à cause du dépérissement.
De l’art à la psychose : une influence picturale sur Silent Hill
Les bouches, symbolisant idéalement les paroles prononcées, sont représentées de manière disproportionnée ou fusionnent dans une entité créée ad hoc. Mais quelle est l’œuvre artistique qui a inspiré ces effrayants visages menaçant James ? La clé de l’énigme réside dans les mots de Masahiro Ito, le concepteur de ces abominations.
Les bouches de Flesh Lip et le visage de Mandarin sont des symboles des abus verbaux de Mary infligés à James. Elles trouvent leur origine dans la bouche du personnage du tableau central de « Triptyque, Deuxième version, 1944 » de Francis Bacon. Ajoutons que Mandarin n’apparaît que dans l’Otherworld dans le remake de Silent Hill 2.
Francis Bacon, à ne pas confondre avec le penseur du XVIe siècle, était un artiste né en 1909 à Dublin et mort en 1992 à Madrid. Réputé pour ses triptyques, il est célèbre pour peindre des thématiques comme la cruauté, la violence ou la tragédie, des sujets en parfaite adéquation avec Silent Hill. Son art peut choquer ou perturber, mais il constitue une puissante source d’inspiration dans le monde créatif. Son influence se retrouve dans des films tels que Le Dernier Tango à Paris, Le Silence des Agneaux, Hellraiser, Batman (version Tim Burton) et L’Échelle de Jacob. Dans le domaine vidéoludique, son empreinte est présente, entre autres, dans Slenderman mais surtout dans Silent Hill.
Et voilà, dans le royaume du pixel et de la peur, Silent Hill continue de montrer que l’art et l’angoisse peuvent faire bon ménage, tout en nous rappelant que la prochaine fois qu’on entendra la phrase « C’est qu’un jeu, » notre subconscient ajoutera probablement « ou pas ! ».